Née en 1951 à Kairouan, la poète Jamila Mejri a une présence non négligeable dans le paysage littéraire tunisien et arabe. Voix explorant la condition des femmes, remontant le «tourath», le passé et héritage historiques, elle en célèbre le rôle et l’importance dans l’actualité. Elle joint des élans et ancrages mystiques à des regards critiques sur la réalité arabe, dans une volonté émancipatrice. Son écriture reste transparente et sans emphase, se prête à la musicalité, où elle mêle métriques moderne et classique.
Jamila Mejri été élue présidente de l’Union des écrivains tunisiens, en 2008. Elle a pris part à de nombreux événements littéraires et culturels en Tunisie et dans le monde arabe. Son œuvre est récompensée de prix littéraires.
Professeure de littérature arabe, elle est aussi critique littéraire.
Parmi ses recueils (en arabe) : Diwan al-wajd (Recueil de la passion), 1995; Diwan an–nisa’ (Recueil des femmes), 1997; La mémoire des oiseaux, 2006; La douleur a le goût arabe.
A Elyssa, fondatrice de Carthage
Combien y avait-il entre les deux rives et ton rêve ?
Entre tes pas dans le sommeil et son rivage ?
Deux rives qui se dépliaient
se répandaient dans ta paume
et sur sa terre
Des barques voguèrent errantes dans ton rêve
Et apparurent quand tu te réveillas à son horizon
Que ne leur as-tu montré comment les mers deviennent
soumises aux rêves des femmes ?!
*
La mer a les secrets de l’amour ? Ou leur moitié ?
Le reste dans le silence des femmes ?
Les royaumes des amants depuis qu’ils existèrent
lui dessinèrent
un rêve à la couleur de la mer
transparent et tremblant…Peut-être
la sirène étonnante disparait-elle
jusqu’à ce que la nuit devienne rose…
et arrive l’aube séduite et surprise
*
Cette pierre garde encore
son secret…Si elle
avait été questionnée sur les rêves
comme ils sont devenus des palais
debout sur les rivages de l’éveil
et sur un règne
qui se mesure à la taille de la peau d’un taureau*
comment il devint aussi vaste
qu’un royaume de la taille de la terre ou
du sacre du ciel
Mais elle ne révèle pas son secret
Cette pierre est encore
en extase et étourdie
Si la paume la touchait
Elle aurait été attachée à la fragrance du parfum d’hier
Comme si elle était passée à l’instant
dans l’éveil
Et non passante dans le rêve
Comme si depuis trois mille ans
Elle venait à Carthage chaque soir
Au point où quand elle passe
L’air s’embaume de son parfum
La brise douce et le bruissement de ses bijoux
Voltigent sur ses habits légers
La couleur de la mer devient plus belle
Chaque fois que passe à Carthage
La maîtresse des mers …et salue
L’Histoire reste un parfum chaque fois
qu’il est chanté par les rêves des femmes
Diwan des femmes, 1997.
Trad. de l’arabe par Tahar Bekri
Le poème du dimanche : «La vieillesse de la mère» de Fadhila Chebbi
Le poème du dimanche : »Sous le parapluie de Sargon Boulus » de Moncef Al-Ouhaïbi
Le poème du dimanche : «La femme bateau» par Habib Zannad
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